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L'Invisible Occident

Dialogues de proscrits

Extrait

 

[...]

 

Hélène : Fatigué, mon Paul ?

 

Bernard : Je le suis toujours quand je ne vole pas. Mon élément à moi, c'est l'air, le vide, le bleu, le défi de la pesanteur à laquelle on ne croit plus guère quand on fonce au travers d'un nuage... Là-haut, je récupère toute ma vigueur, mon flair de vautour, ma lucidité... Je me suis toujours senti à l'étroit chez les hommes, si bons qu'ils fussent... Ils idolâtrent leurs moindres mesquineries... Ils m'obligent à désirer la fraîcheur immense de l'oxygène... Ils me donnent la soif du déracinement... Ils m'induisent à causer avec les astres; les astres, eux, ne trahissent jamais l'œil qu'ils enivrent... Ils ne mendient rien en retour de la douceur qu'ils irradient... Ils n'ont pas cette hideuse main gauche, celle des pourboires. Une fois en selle sur un nuage, c'est la coulée de bien-aise dans tout le corps et l'âme... Plus de motte de terre, plus de boue, plus de frontière... Aucune odeur pourrie d'orgueil ou de vengeance...

 

[...]

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